Débloquer la page blanche : respire, comprends, relance l’écriture

30 avr. 2025
Tu fixes l’écran ; le curseur clignote comme un doigt qui te fait la morale.
Rassure-toi : cette scène, nous l’avons tous vécue. La page blanche n’est pas un ennemi juré, seulement un petit voyant orange qui signale : « Un truc n’est pas clair. » Dès que tu perçois ce signal, deux options s’offrent à toi : paniquer… ou diagnostiquer et agir. Aujourd’hui, on choisit la deuxième.

Reconnaître le signal – sans dramatiser

Il peut y avoir plusieurs facteurs mais voici les trois grands déclencheurs qui reviennent le plus souvent :

Le flou dans l’idée

Tu as envie d’écrire, mais tu ne sais plus quoi écrire exactement. Ou tu ne sais pas comment passer du point A au point B. Peut-être que tu n’es pas sûr·e d’avoir choisi la meilleure option pour un des aspects de ton futur roman. En bref, tu ne sais plus exactement ce qui doit se passer ; ton intrigue ressemble à une boussole sans nord.

L’isolement prolongé

Tu écris en vase clos depuis trop longtemps : plus de recul, plus d’énergie, la motivation file. Là aussi, le doute s’invite et tu ne sais plus si ce que tu as écrit est bon ou mauvais.

La pression qui serre

Peur d’être nul, peur d’en faire trop, peur de décevoir. Le syndrome de l’imposteur adore se déguiser en page blanche.

Aucune de ces causes n’est fatale. L’important, c’est de les reconnaître pour choisir la bonne clé.


Trouver une issue rapide avec le « What if ? »

Le What if ? (Et si ?) est un petit jeu qui relance les neurones en moins de cinq minutes. Voici un petit exemple pour illustrer :

  1. Lance cinq hypothèses, sans filtrer.
    • Et si la porte menait vers son pire souvenir ?
    • Et si elle était vivante et ne laissait passer que les gens sincères ?
    • Et si franchir la porte était un crime passible de mort ?
    • Et si son ami l’attendait derrière avec une vérité qui change tout ?
    • Et si la porte changeait d’endroit chaque nuit ?
  2. Relis ton thème (celui que tu as défini plus tôt dans la préparation).
    • Quelles hypothèses le renforcent ?
    • Lesquelles l’éloignent ?
  3. Choisis la piste la plus cohérente et note-la en deux lignes claires.
    Tu tiens ta motivation : la scène peut renaître.

Écris ton nœud en une phrase.

« Mon héros doit franchir la porte, mais je ne sais pas pourquoi. »

Quand le « What if ? » ne suffit plus : ouvre la porte aux autres

Avec l’aide d’un œil extérieur, tu vas pouvoir poser un regard différent sur ton blocage et voir les angles morts que tu ne percevais pas jusque là. Bien sûr, il y aura du tri à faire pour rester sur ta lancée sans te perdre, mais tu es sur le bon chemin.

Comment demander de l’aide sans te perdre dans les explications :

  1. Dis ce que tu attends

« Trois idées de motivation plausible, pas de commentaire sur la forme. »

  1. Décris ton blocage en une phrase

« Je cherche la raison de franchir la porte, elle échappe à mon héros comme à moi. »

  1. Donne le contexte en deux trois mots

« Fantasy, chapitre 6, porte maudite. »

En général, quelques minutes plus tard, tu reçois des idées neuves. Garde celles qui collent à ton thème, remercie et file poursuivre ta préparation.


Respire : ton cerveau fonctionne par cycles

En réalité, la créativité n’est pas une ligne droite. Loin de là. Elle alterne tension et relâchement, comme un muscle.

Mini-reset express

  1. Ferme le document.
  2. Inspire 4 temps, retiens 2, expire 6. Répète 5 fois.
  3. Lève-toi, marche, étire tes épaules, bois un verre d’eau.

Reviens : tu n’es plus la même personne qu’il y a trois minutes. Le blocage, souvent, était juste un nœud de fatigue ou de tension dans le corps. Les écrivain·es ont souvent tendance à rester trop longtemps dans une même position statique et ne soupçonnent même pas que le mouvement les aide à évacuer ces tensions.


Dosage : entre « tout est nul » et « j’en mets partout »

Observe tes pensées et ce que tu fais, c’est bien souvent un indicateur de là où tu en es et pourquoi tu bloques :

  • Quand tu supprimes plus que tu n’écris
    C’est la peur de l’échec qui parle. Replonge dans ton message : Pourquoi veux-tu raconter cette histoire ? Écris une scène courte, rien d’autre.
  • Quand tu empiles personnages, sous-intrigues et dragons fluorescents
    C’est la fuite en avant. Recentre-toi sur l’émotion et le message principaux que tu veux laisser au lecteur. Coupe ce qui la dilue. Un filet clair vaut mieux qu’une pelote indémêlable.

Bloquer est toujours un passage inconfortable, mais c’est un passage obligatoire. On en passe tous par là. C’est l’indicateur qu’on franchit un pallier dans notre maîtrise. Toute la question est alors de savoir si tu vas continuer à monter en compétences ou t’en tenir là, pour l’instant en tout cas. Tu as le droit de ne pas vouloir continuer. Tu as le droit de rester sur ton pallier aussi longtemps que nécessaire (peu importe les causes). Mais si tu choisis de continuer, tu trouveras la solution en essayant divers angles. N’oublies pas que tu n’as pas à rester seul·e dans cette épreuve.


Les pièges classiques à éviter

On a tous en tête l’image d’un écrivain solitaire, mais célèbre, qui s’enferme dans son bureau pour écrire. Mais ces nombreux clichés offrent surtout de nombreux pièges pour les auteurs débutants. En voici quelques uns :

Rester seul des semaines avec ton problème.

Il suffit parfois d’une seule discussion avec une personne de confiance pour nous débloquer. Il existe de plus en plus de communautés d’auteur·ices, tu trouveras forcément celle qui te correspond. Nous avons bien sûr la nôtre, mais ce n’est pas la seule.

Ouvrir dix tutos YouTube en espérant « l’inspiration pure ».

Les muses de l’Antiquité sont sensées visiter les artistes pour leur inspirer les meilleures œuvres d’art. On les dit aussi capricieuses, nous abandonnons toujours au pire moment. En réalité, l’inspiration et la créativité se travaillent, comme des muscles. Une fois activées et entretenues, elles ne se tarissent que difficilement.
Et mieux : les idées se contaminent entre elles, et plus on les partage, plus on en a.

Attendre que la motivation tombe du ciel sans bouger le moindre doigt.

On avance surtout en écrivant, même si on écrit peu. Prendre l’habitude d’écrire et se créer une routine, c’est ne plus dépendre d’une condition trop aléatoire pour s’y mettre (attendre qu’il fasse beau, attendre d’avoir le temps, d’être dans l’humeur adéquate, etc.).

Ta créativité se muscle en bougeant, pas en l’implorant.


Conclusion : la page blanche est un panneau, pas un mur

Vois la page blanche comme un simple panneau « Travaux » :

ralentis, ajuste, respire, puis avance.

Un What if ? pour éclairer, un bref échange pour débloquer, un pas de côté pour oxygéner : tu viens de transformer l’obstacle en tremplin.

À la prochaine panne, rappelle-toi : tu possèdes déjà la boîte à outils, et tu peux encore l’agrandir si besoin, rajouter autant d’outils spécifiques que tu en auras besoin. Il te suffit d’ouvrir le bon compartiment, et les mots reviendront se ranger sur la page. Si tu ne connais pas la solution, elle existe forcément quelque part et quelqu’un d’autre la connait peut-être déjà.

En bonus, un autre outil de déblocage :

L’outil « 5 why » où tu prends un élément et tu interroges les causes 5 fois de suite, en rebondissant sur tes réponses. Par exemple : Mon protagoniste n’aime pas sa prof de piano.

  1. Pourquoi ne l’aime-t-il pas ? Réponse : Il ne l’aime pas parce qu’elle lui crie dessus.
  2. Pourquoi lui crie-t-elle dessus ? Réponse : Elle lui crie dessus parce qu’il lui rappelle tous les efforts qu’elle a dû fournir dans l’humiliation pour atteindre ce niveau de maîtrise de piano. Ou bien parce qu’elle est frustrée d’être prof de piano alors qu’elle était promise à un grand avenir mais qu’un accident l’en a empêchée.
  3. Pourquoi son accident l’a-t-il empêchée de devenir une grande pianiste renommée ? Réponse : Parce qu’elle a perdu l’usage de sa main droite et que même si elle est désormais guérie, elle ne supporte pas de voir les cicatrices et a perdu confiance en son talent.
  4. Et ainsi de suite…
En fait, il existe de nombreux petits exercices de ce styles pour décoincer un récit qui menace de s’embourber. Ils facilitent la créativité et faire appel à eux est un bon réflexe à acquérir.

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