Passer à l’action — Préparer son roman avant d’écrire

24 avr. 2025

Bien préparer son projet en amont, c’est éviter de s’engouffrer trop vite dans un premier jet brouillon. Cette étape de préparation permet de clarifier ses intentions, ses personnages, son intrigue et de gagner un temps précieux sur la suite.

Pourquoi préparer son roman ?

Écrire sans cap, c’est un peu comme partir en voyage sans destination : on fera forcément de belles découvertes, mais on risque de s’égarer (et parfois de finir dans un cul‑de‑sac).
Les statistiques confirment qu’environ 8 écrivains sur 10 abandonnent leur premier jet. Bien souvent, ces auteur·ices manquent de clarté et de projection dans leur propre histoire, tout finit par devenir confus et ils se perdent dans le labyrinthe de leur récit.

Préparer, ce n’est pas mettre des barrières à sa créativité ; c’est baliser le terrain pour mieux en profiter. Concrètement, une bonne préparation permet :

  • De gagner du temps (et de l’énergie)
    • En travaillant à l’avance sur l’univers, l’intrigue, les personnages, mais aussi leurs liens, la structure globale, les thèmes et le message.
    • En explorant plusieurs pistes sur des ébauches avant de poser des choix définitifs.
    • Résultat : moins d’incohérences flagrantes, donc moins de réécritures lourdes.
  • De cultiver sa motivation
    • Une vision claire évite la panne d’inspiration ou le découragement à mi‑parcours (ce fameux “syndrome du milieu” que nous avons repéré très tôt chez une autrice grâce à la communauté et à notre méthode).
    • Elle limite aussi le burn‑out : nous avons vu une romancière, épuisée par un tome 1 écrit au feeling, renaître après avoir préparé soigneusement son tome 2 – qu’elle vient de terminer avec enthousiasme.
  • Oser partager plus tôt, mais intelligemment
    • Un plan ou une fiche de chapitres se lit vite ; un premier jet brut et bancal peut décourager les alphas‑lecteurs. J’en ai fait l’expérience : après huit chapitres envoyés sans préparation, les retours ont stoppé net mon élan et j’ai dû reprendre le roman depuis le début. Un autre de mes romans a été recommencé cinq fois, avec des versions très différentes parce que mon choix définitif n’était pas arrêté. Et on parle là d’éléments majeurs de mon univers qui modifiaient chaque fois le concept même du roman.
    • Partager des idées plutôt que des chapitres mal aboutis facilite les retours constructifs, limite la tentation (fantasmée) du vol d’idées et permet d’ajuster avant d’avoir écrit 100 pages inutiles, ou plus.

Notre règle empirique

PhasePoids indicatifObjectif principal
Préparation≈ 60 %Clarifier univers, intrigue, personnages, structure, message
Rédaction (1er jet)≈ 30 %Mettre la matière sur le papier, sans s’arrêter à chaque doute
Réécriture & corrections≈ 10 %Peaufiner, couper, harmoniser (beaucoup moins coûteux si la préparation est solide)

En s’investissant suffisamment dans la préparation, on réduit le risque d’abandon, on garde le plaisir d’écrire intact et on s’offre surtout la liberté de construire un roman qui tient la route – pour soi et pour ses futurs lecteurs.


Comment enclencher sa réflexion ? — un fil conducteur, pas à pas

Lorsque l’on commence à préparer son roman, le plus difficile n’est pas d’empiler des idées : c’est de les faire tenir ensemble. Pour y parvenir, nous travaillons toujours sur quatre pôles indissociables : Thème, Personnages, Univers, Intrigue. Chaque décision prise dans l’un influence immédiatement les trois autres ; c’est pourquoi nous avançons par petites boucles, en revenant régulièrement sur nos croquis pour resserrer les liens.

Intention & message : poser la boussole intérieure

Avant même de commencer à réfléchir aux détails de ton histoire, il peut être très utile de trouver ce qui te pousse à l’écrire. Pourquoi cette histoire et pas une autre ? Voici deux questions pour guider ta réflexion :

  • Pourquoi ai‑je envie d’écrire ce livre ?
    • Est-ce un simple plaisir ? Un besoin d’expression ? Un défi personnel ? As-tu un message à faire passer ?
    • Aucune réponse n’est bonne ou mauvaise. Il n’y a que ta réponse personnelle, et elle est tout aussi valable et acceptable que celle de n’importe qui. Aucune hiérarchisation d’importance ou de valeur, de noblesse ou autre considération.
  • Qu’aimerai‑je déposer chez mon lecteur ?
    • Quelle impression, plus ou moins durable, veux-tu laisser à tes lecteur·ices ?Veux-tu leur partager une idée ? Une valeur ? Veux-tu laisser en suspens une question qui résonne dans leur esprit longtemps après la dernière page ?
    • Que penses-tu de ton rôle d’auteur·ice dans la vision du monde de tes lecteur·ices ?

De ces deux réponses jaillit souvent un thème central, par exemple : le poids du secret familial, l’espoir malgré la peur, l’amour en soi malgré les maltraitances… Une phrase courte suffit ; elle servira de fil rouge quand viendront les doutes.


Palette émotionnelle : choisir la couleur dominante

Pourquoi les émotions ? Pour une raison assez évidente : les romans dans leur ensemble ont pour sujet principal l’être humain, qui est un être complexe, à la fois régi par des émotions et par une volonté de rationalité. Ces deux pôles opposés offrent un large spectre à explorer et les lecteur·ices lisent pour les explorer. En tant qu’auteur·ice, ton rôle est donc de faire vivre des émotions à tes personnages, et par voie de conséquence, à tes lecteur·ices.
Un récit clair n’est pas un feu d’artifice de sensations mais une harmonie d’émotions bien ciblées. L’harmonie ne réside pas tant dans la complexité que dans un choix efficace et bien dosé des éléments que nous souhaitons mettre en avant. Less is more.

  • Dominante : l’émotion qui colore l’ensemble (ex. anxiété, émerveillement, tendresse).
  • Secondaires : deux ou trois teintes qui complètent sans brouiller (ex. fascination, empathie).

Chaque scène devra, d’une façon ou d’une autre, nourrir cette palette — sinon, elle risque de diluer l’impact global. Ce n’est pas intuitif pour tous les auteurs, car cela demande de comprendre un certains nombre d’éléments de la psyché humaine pour bien les manœuvrer.


Univers ou contexte : planter le décor sans s’y perdre

Dans un roman, l’univers existe bien au-delà de l’intrigue qui est racontée (c’est également le cas des personnages). Beaucoup d’auteurs SFFF aiment passer des heures entières à concevoir un univers fascinant, potentiellement infini, et toute la difficulté consiste à trouver l’équilibre entre univers suffisant et univers trop (absent ou prédominant).

  • Note en une ligne ce qui fait la singularité de ton monde (une magie, une loi étrange, une époque précise, une technologie, une entreprise avec des règles indiscutables…). Par exemple : une école de magie cachée dont les élèves reçoivent une lettre d’invitation l’année de leurs 11 ans. Ou une galaxie lointaine où existe une force qui oppose deux visions antagonistes du monde.
  • Lance ensuite une recherche documentaire ciblée. L’idée est de rendre le cadre crédible. Et, souvent, ces recherches déclenchent de nouvelles idées.
  • Fixe‑toi une limite : on peut vite se perdre dans ces recherches, pense à te fixer un cadre et/ou une limite de temps. La préparation ne doit pas devenir un gouffre sans fond. Tu complèteras plus tard, au besoin, quand ta réflexion sera sur les rails que tu auras choisis.

Personnages‑miroirs : définir héros et force adverse

Un protagoniste ne prend toute sa dimension qu’en se heurtant à quelqu’un (ou à quelque chose) qui lui oppose une vision contraire et lui fera vivre des émotions (ainsi qu’aux lecteurs, qui, rappelons-le, sont là pour ça). C’est dans cette opposition qu’un personnage révèle vraiment qui il est. Voici un petit tableau pour répondre à trois questions rapides qui vont guider un début de réflexion, liée à cet exemple :

Dans une société steampunk privée d’électricité, les transports, la communication et les conflits politiques sont directement impactés.
ProtagonisteAntagoniste (miroir)
ObjectifRétablir l’électricitéMaintenir l’interdit sacré
Peur / FailleCrainte de la fouleCulpabilité ancienne
Valeur partagéeProtection du peupleProtection du peuple

Ces réponses esquissent déjà un arc d’évolution : chaque faille appelle une transformation, chaque valeur commune complique le conflit et permet d’enrichir les arcs de personnages en les nuançant et évitant ainsi une vision manichéenne et polarisante des personnages eux-mêmes. On se concentre alors davantage sur leurs choix de stratégie.


Squelette d’intrigue : un guide souple, pas une cage

La structure classique en trois actes (héritage d’Aristote) reste une excellente boussole (on la connait aussi sous l’évident « début, milieu, fin ») :

  1. Acte I – Mise en place : incident déclencheur qui rompt l’équilibre.
  2. Acte II – Complications : escalade jusqu’au point de non‑retour.
  3. Acte III – Résolution : le conflit se tranche, le héros change.

À ce stade, une phrase par acte suffit. Plus tard, tu choisiras une structure plus adaptée à ton récit et nous avons des outils qui t’aideront à la construire le plus efficacement possible, par exemple avec notre Template Flocon (résumer → développer) qui permettra d’épaissir progressivement d’une simple phrase de départ jusqu’aux scènes plus détaillées et abouties.


Fermer la boucle : vérifier l’alignement des pôles

C’est le moment de revenir plus ou moins en arrière. À ce stade, on reprend les 4 pôles et on regarde ce qu’on a obtenu et s’ils s’articulent bien entre eux :

  • Ton thème transparaît‑il dans le conflit des personnages ? Dans l’univers ? Et dans l’intrigue ?
  • Le contexte amplifie‑t‑il l’émotion dominante ?
  • L’intrigue pousse‑t‑elle vraiment le protagoniste à affronter sa faille ?

Pose-toi autant de questions que possible, explore toutes les connexions. Si quelque chose sonne faux, ajuste, puis refais un tour de boucle. Deux ou trois itérations suffisent souvent pour obtenir une base cohérente et motivante. N’hésites pas non plus à demander des retours autour de toi. D’autres questions et idées viendront enrichir ta réflexion et t’éviteront certains pièges. Ajuste tes réponses jusqu’à ce que tout tienne debout sans contradiction majeure.


En pratique : petites étapes, grands progrès

Ces pôles sont une base à toujours garder en tête, même quand tu seras bien avancé·e dans la conception de ton roman. La cohérence du récit repose en partie dessus.

  1. Écris tes réponses dans un carnet ou un document partagé.
  2. Discute-en avec un pair ou un mentor : un œil extérieur repère vite les angles morts.
  3. Réajuste, puis passe au tour suivant.

En avançant ainsi, tu bâtis un socle solide sans sacrifier ta créativité. Tu sais où tu vas… tout en laissant de la place à l’inattendu. C’est exactement l’esprit d’ESKISS : préparer pour mieux écrire ensuite.

À retenir

  • Ces mini‑étapes sont itératives : fais 2‑3 fois boucles dessus, en affinant à chaque passage.
  • Partage des ébauches (plans, cartes mentales, fiches) plutôt qu’un chapitre brut : tu récolteras des retours ciblés, sans craindre le vol d’idées.
  • La préparation ne t’enferme pas : elle éclaire ta route et laisse assez de liberté pour l’inattendu.

La méthode ESKISS : une approche incrémentale et collaborative

Chez Architext Writers, nous recommandons une phase de préparation approfondie inspirée de diverses influences (dont le développement informatique et l’alpha-lecture précoce). Notre méthode ESKISS repose sur :

  • L’incrémentation : avancer par paliers plutôt que de vouloir verrouiller chaque détail du premier coup.
  • Des retours extérieurs à des moments clés, pour ne pas s’isoler et détecter au plus tôt d’éventuels blocages (intrigue, personnage, etc.).
  • Une documentation et une réflexion systématique, à l’aide de templates et autres outils : par exemple, un template Flocon pour structurer son intrigue étape par étape, ou des fiches de personnages pour cerner leurs motivations.

Cette approche permet de valider progressivement les grandes lignes de l’histoire (personnages, intrigue, univers) avant même le premier jet, tout en gardant la porte ouverte à des ajustements. Ainsi, on peut déjà partager certains éléments avec la communauté, afin de repérer d’éventuelles failles et d’en discuter collectivement.


Passer de l’idée à l’action

La préparation reste néanmoins un exercice personnel. Beaucoup d’auteur·ices trouvent utile de :

  • Tenir un cahier d’idées ou un document numérique où sont rassemblées les recherches, les esquisses de scènes, les notes de contexte.
  • Participer à des sessions de brainstorm en groupe, pour clarifier ou enrichir certains points (un système de magie, la psychologie d’un personnage, etc.).
  • Définir un planning (même souple) : se fixer des étapes de préparation avant de s’attaquer au premier chapitre, pour éviter de se disperser.

Conclusion : une fondation solide pour écrire plus sereinement

Préparer son roman, c’est se donner les moyens de mieux cerner son histoire avant de se plonger dans l’écriture. C’est un moment privilégié pour s’approprier son univers, structurer ses idées et échanger avec des lecteurs ou d’autres auteurs. Non seulement cela réduit les risques d’abandon, mais cela rend également l’aventure d’écriture plus motivante et plus maîtrisée.


À ton tour

Pour enrichir cet article et l’adapter encore davantage aux besoins des auteurs, voici quelques questions :

  1. Quelle forme prend ta préparation aujourd’hui ?
    • As-tu un cahier, un tableau, un logiciel spécialisé ?
  2. Quelle est ta plus grande crainte en abordant la phase de préparation ?
    • De ne pas être assez spontané·e par la suite ?
    • De perdre le goût de l’écriture en trop structurant ?
  3. Souhaites-tu découvrir davantage de détails sur la méthode ESKISS (outils, étapes précises, exemples concrets) ?
    • Préfères-tu une présentation rapide ou un guide pas à pas ?
  4. Comment vois-tu l’équilibre entre votre besoin de liberté créative et l’intérêt de valider certaines bases (univers, intrigue, personnages) avant le premier jet ?
  5. Aimerais-tu davantage d’exemples de la communauté (témoignages, cas réels) illustrant l’efficacité d’une préparation solide ?
Tes réponses nous permettront d’ajuster ce contenu : préciser certains points, partager des fiches pratiques ou proposer des exercices supplémentaires pour démarrer ta préparation sans attendre.

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